L’avocat en garde à vue : Maître FARAJALLAH, Avocat spécialiste au Barreau de Paris

L’avocat en garde à vue : Maître FARAJALLAH, Avocat spécialiste au Barreau de Paris

Publié le : 20/02/2018 20 février févr. 02 2018

Avec 700 000 personnes placées en garde à vue en 2010 démontrant par ce nombre que le placement en garde à vue était devenu quasiment la règle, le législateur a dû intervenir pour réformer la garde à vue par une loi du 14 avril 2011. Cela d’autant que la législation française n’était plus conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

La loi s’était fixée notamment comme objectif d’empêcher la systématisation de la garde à vue. Auparavant, pour de simples « raisons plausibles de soupçonner une personne d’avoir commis une infraction » la garde à vue pouvait être décidée. Aujourd’hui, la garde à vue ne concerne plus que les personnes qui encourent une peine d’emprisonnement.

Les conditions plus restrictives de placement en garde à vue ont conduit à une chute de 26 % du nombre de gardes à vues au cours de la période juin-août 2011, hors délit routiers, comparée à la même période en 2010. Dans le même temps, le nombre de gardes à vue pour des délits routiers a diminué de 50 %.

La présence de l’avocat en garde à vue, pour un entretien seul à seul avec son client, et sa présence à chaque interrogatoire ont contribué également à cette baisse. Même si l’avocat en garde à vue n’a pas accès à la procédure, aux pièces du dossier, témoin privilégié des conditions de l’interrogatoire, sa présence rassure et garantit les conditions de l’interrogatoire.

En outre, la loi est venue rappeler que la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de  la personne. La fouille à corps « investigations corporelles intimes », ne peut réalisée que par un médecin.

 
Qui peut être placé en garde à vue ? (art. 62-2 du CPP)

Les personnes ayant commis ou ayant tenté de commettre une infraction punie d’une peine d’emprisonnement peuvent être placées en garde à vue, sur initiative d’un Officier de Police Judiciaire ou d’un juge d’instruction. Ainsi, la loi ne permet pas le placement en garde à vue pour une simple contravention, infraction où l’emprisonnement n’est pas possible.

Si l’Officier de police judiciaire a le pouvoir de placer un suspect en garde à vue, il reste sous le contrôle d’un magistrat, le Procureur de la République ou un Juge d’instruction lorsqu’une instruction est en cours.


Les conditions de la garde à vue
  • Le Procureur de la République devra être informé obligatoirement par l’OPJ et dès le début (auparavant « dans les meilleurs délais ») du placement en garde à vue d’une personne;
  • La garde à vue peut durer 24 H et être prolongée de 24H supplémentaires sur autorisation du Procureur de la République. Avant la réforme, le Procureur pouvait prolonger de 24 h par l’envoi d’un simple fax. Aujourd’hui, cela nécessite de sa part une autorisation écrite et motivée pour les infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an. L’autorisation ne peut être accordée qu’après présentation de la personne au Procureur (ou par moyen audiovisuel). En matière de criminalité organisée ou de trafic de stupéfiants, la garde à vue peut durer jusqu’à 96 heures. Elle peut même durer 6 jours en matière de terrorisme (art. 707-88-1 du code de procédure pénale);
  • Sans indice de culpabilité (ex : un simple témoin) il n’y a pas de GAV possible.


Les droits du gardé à vue ( art. 63-1 du code de procédure pénale)

La notification des droits du gardé à vue doit être immédiate et dans une langue qu’elle comprend. Au plus tard et sauf circonstances insurmontables, les diligences résultant de l’exercice des droits doivent intervenir dans un délai de 3 heures :
  • faire prévenir une personne avec qui elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, frère sœur et son employeur ; l’OPJ peut s’y opposer pour les nécessités de l’enquête : il en réfèrera alors au Procureur qui décidera des suites à y donner;
  • le droit au médecin : Auparavant, le médecin ne se prononçait que sur sur la compatibilité de la garde à vue avec l’état de la personne. Avec la loi nouvelle, il peut faire toutes constatations utiles (art. 63-3);
  • le droit de se taire;
  • le droit d’être assisté d’un avocat en garde à vue (art. 63-3-1 du CPP)
    • art. 63-3-1 du CPP : « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. Si elle n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier.Le bâtonnier ou l’avocat de permanence commis d’office par le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.L’avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l’article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.S’il constate un conflit d’intérêts, l’avocat fait demander la désignation d’un autre avocat. En cas de divergence d’appréciation entre l’avocat et l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République sur l’existence d’un conflit d’intérêts, l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République saisit le bâtonnier qui peut désigner un autre défenseur.Le procureur de la République, d’office ou saisi par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire, peut également saisir le bâtonnier afin qu’il soit désigné plusieurs avocats lorsqu’il est nécessaire de procéder à l’audition simultanée de plusieurs personnes placées en garde à vue ».
    • Aujourd’hui, sauf raisons impérieuses permettant de retarder son intervention, l’avocat peut s’entretenir avec son client dès le début de la garde à vue. Il lui est laissé 2 heures après avoir été prévenu pour se rendre sur les lieux de la garde à vue. Il  ne peut y avoir d’interrogatoire dans ce laps de temps sauf l’interrogatoire d’identité. L’avocat assiste son client aux auditions, peut poser des questions à l’issue et accéder aux procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste ainsi qu’aux procès-verbaux de notification des droits et au rapport du médecin. Il n’a pas accès au dossier mais peut prendre des notes et formuler des observations écrites.
L’entretien peut être différé jusqu’à la 48ème heure pour les crimes, les délits d’enlèvements, séquestration, proxénétisme, vol en bande organisée ou association de malfaiteurs « … en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes » (art. 706-88 al. 6 du code de procédure pénale).

En matière de stupéfiant ou de terrorisme, cet entretien pourra être différé jusqu’à la 72ème heure de garde à vue.

La garde à vue doit être proportionnée à la gravité de l’infraction et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.

Enfin, la nouvelle loi permet également au gardé à vue de faire prévenir les autorités consulaires de son pays si elle est de nationalité étrangère.


Les droits de la victime en garde à vue
  • La victime a également le droit aujourd’hui d’être assistée par un avocat lors de la confrontation avec le gardé à vue. La présence de l’avocat aux côtés de la victime permet de rétablir un équilibre que le législateur avait jusqu’alors  oublié. L’avocat ne pourra assister la victime lors du dépôt de plainte ou lors d’auditions ultérieures. C’est uniquement lors de la confrontation que la victime pourra se faire assister. L’avocat pourra faire des observations ou faire poser des questions qui seront actées par le fonctionnaire de police.

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