La plainte pénale par Maître FARAJALLAH, Avocat spécialiste en droit pénal

La plainte pénale par Maître FARAJALLAH, Avocat spécialiste en droit pénal

Publié le : 20/02/2018 20 février févr. 02 2018

Pour pouvoir « déposer plainte », cela suppose que l’infraction dont on est victime est sanctionnée pénalement. En effet, on ne peut déposer une plainte pénale que si une infraction prévue par le code pénal (une contravention, un délit ou un crime) a été commise. En outre, la victime ne peut déposer plainte que si elle est directement victime de l’infraction, que si le préjudice subi se rattache directement à l’infraction commise. Ainsi, tous les litiges ne peuvent donner lieu à un procès pénal, on ne peut donc déposer plainte pour tout : la non-restitution d’un prêt d’argent par exemple, ne peut donner lieu à plainte pénale car il ne s’agit ni d’un vol ni d’une escroquerie. Il faudra engager une procédure devant un Tribunal civil. Le préjudice subi doit donc se rattacher à une infraction pénale prévue par le code pénal.

Une fois la plainte déposée, celle-ci suivra alors une procédure particulière qui pourra aboutir au procès pénal. En matière pénale, que l’on soit victime ou prévenu (l’auteur présumé de l’infraction), l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire.

Toutefois, compte tenu des règles spécifiques de procédure, des arguments juridiques à soulever, des éventuelles nullités de procédure à déceler, la présence d’un avocat est vivement recommandée.


I/ Le dépôt de plainte proprement dit

a) Comment déposer plainte
Toute personne se considérant victime d’une infraction pénale peut aller déposer plainte au commissariat de quartier (n’importe lequel) ou à la gendarmerie. Très souvent, des plaignants se trouvent éconduits lorsqu’ils se présentent au commissariat au motif qu’ils doivent se rendre dans un autre commissariat : il n’y a aucune attribution de compétence prévue par le code de procédure pénale ! La plainte enregistrée sera alors transmise au Procureur de la République qui décidera des suites éventuelles à donner.

La victime peut encore s’adresser directement auprès du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance du lieu de l’infraction (ou du lieu de résidence du prévenu). Cela permet ainsi de pallier les éventuelles lenteurs administratives de certains commissariats de quartier…

La plainte adressée au Procureur de la République ne doit pas répondre à une forme particulière. Elle doit simplement énoncer clairement les faits susceptibles d’une qualification pénale (le Procureur les qualifiera lui-même) et préciser l’identité de la victime et de l’auteur de l’infraction (lorsque celle-ci est connue).

b) Les suites de la plainte pénale déposée
S’il entend y donner une suite, le Procureur décidera d’ouvrir une enquête afin de rassembler davantage d’éléments : la plainte sera adressée aux services de police ou de gendarmerie compétents qui seront ainsi chargés de convoquer, d’auditionner, les personnes visées dans la plainte et d’établir tout acte de nature à élucider l’affaire.

Toutefois, dans les dossiers complexes, compte tenu des pouvoirs limités des services d’enquête (ils n’ont pas de pouvoirs de contrainte à ce stade, pas le droit de perquisitionner sans l’assentiment de l’intéressé, pas la possibilité d’obliger une personne à se rendre à une convocation sauf autorisation préalable du Procureur), l’ouverture d’une instruction sera parfois ordonnée (voir : III).

A l’issue de l’enquête, au vu des éléments collectés par les services de police (ou de gendarmerie), le Procureur décidera du sort de la procédure : suites judiciaires ou classement sans suite. Il a en effet l’opportunité des poursuites. En clair, il décide seul car un Tribunal ne peut « s’auto-saisir » d’une affaire. En cas de décision de classement sans suites, le plaignant pourra contester cette décision devant le Procureur Général ou saisir lui-même un Juge d’instruction (plainte avec constitution de partie civile), ou encore en saisissant directement le Tribunal (par une citation directe).

Classement sans suites ne signifie pas qu’il n’y a pas matière à des poursuites pénales. Compte tenu de l’encombrement des tribunaux, de nombreuses infractions ne donnent pas lieu à des poursuites pour « une bonne administration de la justice ». Il en est ainsi en matière d’abandon de famille ou encore de non-représentation d’enfant. Dans ce cas, la victime pourra relancer de sa propre initiative la procédure par une citation directe ou un dépôt de plainte avec constitution de partie civile.


II/ La citation directe

Comme en matière civile, toute personne se considérant victime d’une infraction pénale, peut citer (convoquer) l’auteur de son préjudice directement devant un Tribunal pénal. La différence tient au fait que l’on ne peut agir au pénal que si une infraction pénale (vol, escroquerie, abus de confiance, violences…) peut être reprochée au responsable du préjudice. La victime ne pourra demander que des dommages et intérêts et la restitution éventuelle de son bien. Elle est partie civile au procès pénal.

Seul le Procureur peut demander une peine telle l’emprisonnement ou l’amende. Ainsi, une victime dont le préjudice se rattache directement à une infraction pénale pourra faire juger son affaire par le Tribunal de Police (s’il s’agit d’une contravention) ou par le Tribunal Correctionnel (s’il s’agit d’un délit). S’il s’agit d’un crime, seule une plainte avec constitution de partie civile est envisageable (Voir : III). L’avantage d’une telle procédure est que la victime n’est pas tributaire de la décision du Procureur quant aux suites pénales éventuelles données à la plainte. Elle initie elle-même le procès pénal en convoquant l’auteur de l’infraction directement devant le Tribunal. Cela est un gain de temps manifeste.

Toutefois, la citation directe n’est possible que pour les infractions simples, lorsque les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis et que l’auteur est connu. Le Tribunal doit en effet être en mesure de juger l’affaire telle qu’elle est présentée par le plaignant.

En outre, convoquer une personne devant un Tribunal correctionnel (ou de police) n’est pas anodin. Ainsi, si le prévenu (l’auteur présumé) est relaxé, il pourra demander réparation à la victime pour plainte abusive. Et cela au cours du même procès ! La citation directe est donc une procédure à manier avec précaution. Si l’affaire est complexe et qu’elle nécessite des investigations, la victime doit déposer plainte avec constitution de partie civile.


III/ La plainte avec constitution de partie civile

Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des Juges d’instruction permet l’ouverture d’une information, c’est à dire la désignation d’un juge d’instruction. Toutefois, on ne peut saisir un juge d’instruction sans avoir au préalable déposer plainte auprès du Procureur de la République (sauf délits de presse ou d’infraction au code électoral). Ce n’est qu’après une décision de classement sans suite ou en l’absence de poursuites par le Procureur à l’issue d’un délai de 3 mois, que le dépôt de plainte auprès du doyen des Juges d’instruction devient possible.

Le juge d’instruction nstruira (enquêtera) sur les faits et les personnes visés dans la plainte avec les plus larges pouvoirs. Il pourra d’ailleurs déléguer ses pouvoirs (auditions, perquisitions…) par le biais de commissions rogatoires aux services de police ou de gendarmerie.

C’est la procédure à envisager par une victime lorsque l’auteur de l’infraction est inconnu, lorsque le préjudice n’est pas établi, lorsque l’infraction est complexe à démontrer (ex : organisation d’insolvabilité, escroquerie, ). En matière criminelle, l’instruction est obligatoire. A l’issue de l’instruction, le Juge clôturera le dossier par une décision appelée Ordonnance. Il peut s’agir soit d’une Ordonnance de renvoi de l’affaire devant le Tribunal pour jugement, soit d’une Ordonance de non-lieu lorsque les faits reprochés ne lui paraissent pas établis.

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